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Jean tend son front à ce moite baiser
du clair de lune à la douce baig-née .
La Lucie dort, ronde comme un bébé.
Et, respirant long’uement sa douleur,
il se souvient de son âge à sa fleur.
La lune avait jadis cette lueur
qu’il emplissait avec tout son bonheur.
Il a fallu seulement quelques heures
pour le détruire et tuer la douceur.
Pourtant la nuit est si tranquille au loin !
Il sent bouger l’odeur des derniers foins
qui engourdit et caresse ses mains,
cependant que, trempées par le serein,
agenouillées comme des pèlerins,
,les gerbes de blé attendent le matin.
Gonflés et purs les seins de Lucie luisent.
Quant l’aube vient, fumeuse et endormie,
Jean de Noarrieu regarde son amie.
C’est l’heure trouble où les choses blanchissent
comme un brouillard, dans la chambre où se glisse
le point du jour aveugle, opaque et triste.