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et il vit l’homme avec sa chéchia rouge,
et la gitane au déhanchement souple,
le coude au flanc pour demander un sou,
les dents serrées, les narines farouches.
Jean vit Lucie en bas. — « Donne deux sous
à cette femme-là, pour leur pauvre ours ? »
— « Ah ! non ! » fit-elle. Il s’étonna. Toujours
elle donnait aux pauvres sur la route.
Elle reprit : « Qu’ils aillent se faire foutre I
Meirtin m’a dit : les ours sont mauvais bougres ! »
Jean de Noarrieu se tut, mais il donna
les sous lui-même, et puis il caressa
l’ours poussiéreux qui, en pleurant, dansa.
Et les mendiants et leur ours misérable
s’en furent, et Jean, revenu dans sa chambre
songeant aux mots de Lucie, s’attrista.
Cette nuit-là, Lucie à son côté,
la fenêtre ouverte à ce souffle frais
qui vient du sommeil du figuier épais,