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— « Venez-vous prendre un vermouth ? »— « Faisons vite,
il faut que j’aille ensuite à la mairie. »
— « Tiens ! Et comment allez- vous, Monsieur Vial ? »
— « Très bien, merci, curé. Et vous ?» — « Pas mal.
Je vais changer un couple de canards
et acheter un peu de mort-aux-rats.
Ma gouvernante nourrit trop bien mes chats. »
— « Il n’y a pas que vos chats... Ça se voit. »
Et les chars lourds cahotent, ébranlés.
Et deux bœufs qui ne sont pas attelés,
mais qu’une barre, aux cornes, tient liés,
se roidissant voudraient se détacher :
on les dirait, l’un sur l’autre arc-boutés,
le mufle haut, l’œil sanglant, pétrifiés.
Et les corbeilles des marchandes s’étalent.
Et les poulets qu’on porte par les pattes
semblent des fleurs à la crête écarlate.
Le ciel torride enfin, se bombe, éclate
comme une pervenche dont le vaste pétale
enfermerait l’horizon et les toits.
Et, dans l’odeur de vin flétri, de viande,