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CHANT PREMIER


Je ne veux pas d’autre joie, quand l’été
reviendra, que celle de l’an passé.
Sous les muscats dormants, je m’assoirai.
Au fond des bois qui chantent de l’eau fraîche,
j’écouterai, je sentirai, verrai
tout ce qu’entend, sent et voit la forêt.

Je ne veux pas d’autre joie, quand l’automne
reviendra, que celle des feuilles jaunes
qui racleront les coteaux où il tonne,
que le bruit sourd du vin neuf dans les tonnes,
que les ciels lourds, que les vaches qui sonnent,
que les mendiants qui demandent l’aumône.

Je ne veux pas d’autre joie, quand l’hiver
reviendra, que celle des cieux de fer,
que la fumée des grues grinçant en l’air,
que les tisons chantant comme la mer.