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cause de ce changement subit d’humeur. Elle devenait soudain morose, et, les sourcils froncés, jetait, pour n’y plus toucher, sa poupée dans un coin. « Cette enfant est inconstante », disait Mme d’Étanges. Mais non. C’était qu’au plus fort de la joie de posséder ce jouet, Clara d’Ellébeuse venait d’y découvrir l’insignifiante, mais inévitable tare dont rien, en ce monde, n’est exempt. Elle avait remarqué là, sur l’étoffe rose emplie de son qui simulait la chair, une petite tache qu’elle n’avait pu effacer :

Ma poupée est imparfaite, se disait-elle. Quel dommage que, dans le magasin, on n’en ait pas choisi une autre, n’importe laquelle…

Et maintenant, l’époque des jouets passée, dans les moments de plus grandes ivresses, c’est-à-dire au sortir du confessionnal, quand l’absolution et la bonne volonté règnent dans son cœur, surgit tout à coup le péché oublié. C’est le plus grand toujours. Mais l’a-t-elle seulement oublié ? Ne l’a-t-elle pas caché exprès à son confesseur. Ce doute la taraude. Est-ce qu’elle sait, elle ? Peut-elle affirmer que non ? Alors, elle est damnée ? Cette crainte éloignée, une autre, quelconque, survient, la torture parfois jusque dans ses rêves, dont elle s’éveille en sursaut avec une sensation d’étouffement et de vertige. « Ce sont des vapeurs, mon enfant », lui