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M. d’Astin l’intimide, bien que, depuis longtemps, elle le connaisse et l’aime, depuis toute petite, depuis toujours. Cependant, il lui faisait peur jadis quand il racontait son voyage à la Chine, et les missionnaires torturés. C’est lui qui donna ces deux jolies gravures dont l’une représente une femme Mongole de distinction en habit de cérémonie d’été, l’autre la fille aînée de l’empereur… La Chine est un vilain pays qui donne envie de vomir et où l’on torture le Christ, un pays qui a la même odeur vilaine et noire que le coffret qui est là et qui sent le camphre et le poivre. C’est le pays du démon. Ah ! combien Clara d’Ellébeuse préférerait visiter les îles de la Guadeloupe où les bonnes négresses se font catholiques, où sont morts l’oncle Joachim et sa fiancée Laure, qui s’aimaient dans des fleurs… Mais M. d’Astin est très bon pour sa petite amie, et tout récemment il lui a donné un bracelet à la mode, une petite chaîne de forçat en or terminée par un boulet… Il était, paraît-il, le meilleur ami du grand-oncle Joachim, mais il ne parle presque jamais de lui…

Tout justement, aujourd’hui, comme l’on vient de passer à la salle à manger, la conversation tombe sur l’oncle Joachim, au sujet de la jolie décoration de fleurs de capucines qui est au milieu de la table.