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perron. Sur la pelouse brillante, le paon ondule lentement.

— Le paon, songe-t-elle, est l’image de l’orgueil. Moi, je suis orgueilleuse. C’est monsieur l’aumônier qui me l’a dit. Mais tout le monde ne porte pas le nom d’Ellébeuse. Voici maman qui arrive.

— Mon enfant, dit Mme d’Ellébeuse à sa fille après l’avoir baisée au front, il vous faudra mettre aujourd’hui la robe que vous a donnée tante Aménaïde. M. d’Astin s’est fait annoncer. Il arrivera vers midi. Mais ce sera bien à temps de vous habiller vers onze heures.

Et Clara, tandis que Mme d’Ellébeuse entre dans la maison, se rend au verger. Elle longe les framboisiers obscurs et les pommiers coniques et luisants. Sur des roses il y a des cétoines. L’azur tremble sur les buis. Mais voici qu’à la sérénité de tout à l’heure succède, dans l’âme de la jeune fille, une sorte de tristesse pareille à celle de ce beau jour doré.

Soudain, et sans que rien de subit semble les avoir appelés, des scrupules intenses taraudent l’adolescente. Mon Dieu, mon Dieu, se dit-elle, ayez pitié de moi. J’ai eu de mauvaises pensées. Où irais-je, maintenant, si je venais à mourir. Suis-je prête à paraître devant Dieu ? J’ai eu des pen-