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balayait sous mon bondissement les menthes odorantes, ou lorsque, parmi les cognassiers du buisson, mon museau rencontrait le cuivre du froid lacet. Rends-moi la prairie où tu me découvris. Rends-moi les aurores des eaux d’où le pêcheur prudent retire ses cordeaux lourds d’anguilles. Rends-moi le regain bleu de lune, et mes amours peureuses et clandestines parmi les oseilles sauvages, lorsque je ne distinguais plus, du pétale de l’églantier tombé lourd de rosée sur l’herbe, la rose langue de mon amie. Rends-moi ma faiblesse, ô mon cœur. Et va dire à Dieu que je ne puis plus vivre chez lui.

— Ô Patte-usée, lui répondit François, ô mon ami, ô doux rural méfiant, ô Lièvre de peu de foi qui blasphèmes, si tu n’as pas su trouver ton Dieu, c’est que, pour rencontrer ce Dieu, il t’eût fallu mourir comme tes compagnons.

— Mais si je meurs, que deviendrai-je ? s’écria le Poil-de-chaume.

Et François :

— Si tu meurs, tu deviendras ton Paradis.