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du Ciel, il ne sentait plus, sous la blancheur de sa queue courte, l’humidité le pénétrer de frissons. Les moustiques, retirés dans leur Paradis d’étangs, ne donnaient plus à ses paupières toujours levées l’âcre brûlure de l’Été. Cette fièvre il la regrettait. Son cœur ne battait plus avec cette puissance dont il battait lorsque, au sommet des landes incendiées de bruyères, un coup de feu faisait autour de lui pleuvoir le sol. À la lisse caresse des pelouses soignées, son misérable poil repoussait aux endroits calleux de ses pattes. Et il se prenait à déplorer ce luxe du ciel. Et il était comme le jardinier devenu roi qui, obligé à chausser des sandales de pourpre, regrette ses sabots lourds de glaise et de pauvreté.