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lichens d’argent. Des cascades, suspendues aux dents rocheuses, fumaient. Et, soudain, les troupeaux angéliques bêlaient vers Dieu ; et les clarines éperdues pleuraient vers l’ombre des scolopendres. Et l’eau ténébreuse des grottes se brisait à la lumière.

On y eût vu, couchée parmi les lauriers sauvages, la brebis retrouvée de l’Évangile. Sa patte, sous son museau, saignait encore. Les routes parcourues avaient été pénibles, mais bientôt elle se ranimerait au sucre acidulé des myrtilles. Déjà, elle frémissait en écoutant ses compagnes éparses.

En entrant, pour s’y fixer, dans ce Paradis, les robines amies de François aperçurent, penché entre les myosotis couleur de l’onde qui les mirait, l’agneau de Jean de La Fontaine. Il ne discutait plus avec le loup de la fable. Il buvait, et l’eau n’en était point troublée. La source sauvage où l’ombre des lierres, depuis deux cents ans, semblait jeter une amertume, continuait de rouler dans le gazon ses flots brisés qui entraînaient dans leurs miroitements les neigeux frissons de l’agneau.

Elles virent, suspendues sur des vallées heureuses, les brebis de ces héros de Cervantès, lesquels, se