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Ils atteignirent enfin le séjour des bêtes bienheureuses, le premier Paradis, celui des chiens.

Depuis un moment l’on entendait aboyer. Se penchant vers le tronc d’un chêne vermoulu, ils virent un dogue assis dedans comme dans une niche. On comprit, à son regard dédaigneux et placide, qu’il avait le cerveau dérangé. C’était le chien de Diogène à qui Dieu avait accordé la solitude en ce tonneau creusé à même l’arbre. Indifférent, il regarda passer les chiens aux colliers d’épines. Puis, au grand étonnement de ceux-ci, il quitta un instant sa loge moussue, se réenchaîna lui-même en s’aidant avec la bouche — car sa laisse était détachée — rentra dans sa caverne de bois et dit :

Ici chacun prend son plaisir où il le trouve.

Et, en effet, Lièvre et ses compagnons virent des chiens en quête d’imaginaires voyageurs perdus. Ils se risquaient à descendre au fond des gouffres pour les y découvrir, leur apportant un peu de bouillon, de viande et d’eau-de-vie contenus dans de petits barils suspendus à leur collier.