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correspondent avec telles périodes géologiques, et groupèrent ainsi leurs sympathies, de même, aujourd’hui, elles se groupent suivant les saisons. Comment le caractère des grelottantes et neigeuses liliacées d’hiver s’accorderait-il à celui des pourpres solanées d’automne ? Et puis il y a encore des arrangements délicieux qui sont dus bien moins à l’artifice des hommes qu’au consentement par certaines espèces d’en tenir d’autres pour amies, et de ne point languir auprès d’elles. Qu’il est doux le jardin villageois où le lys luisant, pareil à ces dieux qui fréquentaient les humbles, vit parmi les choux, l’ail bleu et les ciboules qui cuiront dans le pot noir des pauvres ! Que j’aime les potagers paysans, à midi, quand la triste ombre bleue des légumes s’endort sur les carreaux de terre granuleuse et blanche, lorsque le coq appelle le silence, et que la buse oblique et tournoyante fait glousser la poule onduleuse ! Là est la flore des simples amours, la flore de la jeune femme qui séchera la lavande bleue pour parfumer les draps rudes. Et il y a aussi, dans ce jardin, la fleur des rondeaux, la pauvre giroflée au parfum simple. Il y a aussi le buis fidèle dont chaque feuille est un petit miroir d’azur, les roses-trémières où se consume la flamme douce et pure de corolles de mélancolie : fleurs religieuses vouées au silence et à la rigidité.