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et je songe aux lisières des prairies, aux elfes qui, d’après Shakespeare, font croître ces mousserons sous le charme de la lune. Ils ont été mouillés par la gelée fondante, et de fines et longues herbes s’attachent à leur humidité. Ils portent en eux la tremblante buée des nuits. Les premiers, ils sont sortis de la terre, sous leurs ombelles d’ivoire, pour observer si les pieds de haie s’entouraient davantage de mousse. Ils auront été déçus. Ils n’auront point vu les pervenches, ni les violettes, mais l’agaçante et fine pluie grise dans le ciel gris.



Hier, je suis monté jusqu’au haut de la côte et suis revenu par le chemin de Clara d’Ellébeuse. Il y avait tant de brouillard que les arbres pleuvaient dru. Les pies faisaient des crochets brusques parce que, venant vers moi, elles ne m’apercevaient qu’à vingt pas dans cette opacité. Trois grives aux gris grinçants et furieux se battaient. Ici et là on coupait du bois. Le soleil sans rayons, d’un jaune argenté, semblait la lune. J’ai vu trois primevères, des ajoncs fleuris, des pâquerettes et, autre jour, des pervenches. C’est le printemps