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La poussière du soleil flottait sur la place du Gouvernement et l’ombre des arcades faisait, dans la rue Bab-el-oued, comme un palais de songes.

La ville riait. Sur la hauteur, la fraîcheur des maisons mauresques bâillait d’un sourire adorable, un sourire de marbre pâle et de porcelaine bleue. Une langueur m’envahissait. J’avais faim de fruits glacés et de femmes tièdes. Le soleil de volupté évoquait, sur la mer violette, des filets aux mailles d’or ruisselants, emplis de prostituées d’argent et de dorades.

Un son de guitare mourait là-bas.

Alger, c’est toi qui commenças et terminas mon rêve. Tu m’apparus et tu m’apparais encore comme une ville délicieuse, et je désire que ce mot ne soit entendu que par ceux qui peuvent le comprendre. Mon orgueil ridicule et ma tristesse eurent à lutter, près des oasis, avec quelque chose d’analogue à mon cœur : la désolation.

Le sable avait-il la notion de sa tristesse ? Je fus aussi triste que lui et je ne trouvai rien, dans son horreur, que je ne fusse capable de contenir et d’aimer. Pas un de mes nerfs n’a tressailli à l’aspect des chevaux morts dans l’implacable Océan pétrifié.

Les bêlements lointains des chèvres de Tuggurth, le fiévreux misérable qui grelottait sur la