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Partout, à cette époque pascale, les palmes semblaient pleurer de n’être plus foulées par un Dieu.

Les lamentations des muezzins, vers la Mecque, s’effeuillaient comme des roses taciturnes.

Je vis passer un marabout ; il appuyait sa main droite à l’épaule d’un pâle adolescent. Sans doute, il lui expliquait la sagesse, et, dans la tombée du jour, je me sentis ému à pleurer.

Çà et là, sous un dernier poudroiement de soleil, luisaient des crânes d’hommes que l’on rasait.

Quelque chameau, semblable à quelque grand navire échoué, surgissait au coin d’une rue, près d’une porte, tendant son cou de limaçon géant vers le ciel bleu tendre et doré.

Les couloirs avaient le parfum des roses, parce que dans l’air immobile flottaient les nuages du kief et des tabacs aromatisés.

Des ossements étincelaient aux murs des vergers…

Une jeune négresse, belle comme la nuit, passait, un pompon vert au front ; une autre négresse, revêtue d’un pagne bleu foncé, tenait un fuseau de laine blanche ; un Soudanais se promenait ; une branche verte pendait de sa chéchia sur sa figure.

Les caravanes agenouillées tressaillaient dans le crépuscule, chargées d’herbes violettes.