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LES DEUX GRANDES ACTRICES


Je voudrais trouver des mots nouveaux pour dépeindre la douceur d’une petite prostituée que nous rencontrâmes, un soir, au milieu d’une grande place à peu près déserte. Cette petite prostituée avait de pauvres souliers trop grands qui prenaient l’eau, une ombrelle recouverte comme un parapluie, et un petit canotier de paille dans la coiffe duquel devait être écrit : Dernière mode.

Elle avait une petite voix souffreteuse et elle était intelligente. Elle sortait, comme on dit, d’une pleurésie. Du reste, elle avait l’air aussi délicat moralement que physiquement.

Je la rencontrai plusieurs fois, après dix heures, fatiguée d’avoir cherché, souvent en vain, quelque premier venu.

Elle se mettait sur un banc, dans l’ombre, à mes côtés et reposait sur moi sa pauvre tête pâle.

Je sentais qu’elle éprouvait à cela la petite con-