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LA PIPE


Il y avait un jeune homme qui avait une pipe neuve. Il la fumait doucement à l’ombre d’une treille où étaient des grappes bleues. Sa femme était jeune et jolie, retroussait ses manches jusqu’au coude, et puisait de l’eau au puits. Le seau en bois rebondissait contre la margelle et pleurait comme de l’arc-en-ciel. Ce jeune homme, en fumant sa pipe, était heureux, parce qu’il voyait, çà et là, voler des oiseaux, parce que sa vieille mère était vivante, que son vieux père se portait bien et qu’il aimait beaucoup sa jeune épouse, à cause de sa gentillesse et de sa gorge dure et lisse comme deux pommes fraîches.

J’ai dit que ce jeune homme fumait une pipe neuve.

Sa mère fut prise d’un grand mal. On lui fit une opération qui la fit beaucoup crier, et elle mourut après trente-quatre jours d’horribles souffrances. Le père, qui se portait bien, causait un jour avec