Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme le teint de celles qui allient à l’or de la mandarine la blonde matité du tabac.

Pierres brisées par le cœur du torrent, entrechoquées, roulées parmi les daphnés du ravin, fouettées par la tempête de givre, ensevelies par l’avalanche, découvertes par le soleil, entraînées par le pied de l’isard : vous êtes froides et belles, mais surtout vous êtes pures.

Je connais peu vos sœurs de l’Inde : celle dont la transparence lutte avec l’eau qui sourd du marbre ; celle qui me fait songer aux claires prairies de la vallée natale ; celle qui est une goutte de sang gelée, et celle qui ressemble à du soleil solide.

Je vous préfère à elles, quoique vous soyez moins précieuses, vous qui soutenez parfois les poutres du toit de chaume en mirant le grésil des étoiles, vous sur qui s’étend le labrit qui veille tristement un troupeau.

Au fond de l’éther où vous reposez sur les sommets, continuez de recevoir les aliments qui sont départis à votre pacifique royaume. Que la lumière baigne vos cellules encore méconnues ; que les flocons légers et courbes les imbibent ; qu’elles résonnent à la vibration des vents ; qu’elles reçoivent enfin cette nourriture harmonieuse dont Marie-Madeleine fut rassasiée dans une grotte.