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seule, cette petite fille avait pu ranimer cette chaise, et que l’âme docile de cette chaise avait doucement séduit la candeur de cette enfant. Il y avait, entre elle et cette chose, un échange mystérieux d’affinités. L’une ne pouvait pas ne pas aller vers l’autre, et l’autre ne pouvait être ému que par celle-là.

Les choses sont douces. D’elles-mêmes jamais elles ne font de mal. Elles sont les sœurs des esprits. Elles nous accueillent, et nous posons sur elles nos pensées qui ont besoin d’elles comme, pour s’y poser, les parfums ont besoin des fleurs.

Le prisonnier que ne console plus aucune âme humaine doit s’attendrir au sujet de son grabat et de sa cruche de terre. Alors que tout lui est refusé par ses semblables, sa couche obscure lui donne le sommeil, sa cruche le désaltère. Et même, si elle le sépare de tout le monde extérieur, la nudité des murs est encore entre lui et ses bourreaux. L’enfant puni aime l’oreiller sur lequel il pleure ; car, alors que ce soir-là tous l’ont blessé et grondé, l’âme du duvet silencieux le console, ainsi qu’un ami qui se tait pour calmer un ami.

Mais ce n’est point seulement du mutisme des choses que naissent leurs sympathies pour nous. Elles ont de secrets accords, soit qu’elles pleurent