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Les choses pieusement conservées nous gardent leur reconnaissance et sont prêtes à nous remettre leur âme dès que nous la rafraîchissons. Elles sont pareilles à ces roses des sables qui s’épanouissent indéfiniment, dès qu’un peu d’eau leur rappelle l’azur des citernes perdues.

J’ai, dans mon humble salon, une chaise d’enfant. Mon père s’en amusa pendant la traversée qu’il fit, à sept ans, de la Guadeloupe en France. Il se rappelait bien qu’assis sur elle, dans le salon du bord, il regardait des images que lui prêtait le capitaine. Le bois des îles dont elle est faite doit être solide puisqu’elle résista, dans la suite, aux jeux d’un petit garçon. Ce meuble, échoué dans ma demeure, y dormait presque oublié. Il ne manifestait plus son âme depuis de longues années, car l’enfant qu’il avait accueilli n’était plus, et d’autres enfants n’étaient point venus pour se poser sur lui comme des oiseaux.

Mais récemment la maison fut joyeuse de la présence de ma nièce qui venait d’avoir sept ans. Sur ma table de travail elle s’était emparée d’un vieil atlas de botanique. Et lorsque j’entrai dans le salon, je la trouvai assise sur la petite chaise, au rayonnement de la lampe, et regardant comme le fit jadis son grand-père défunt de belles et douces images. Et je fus ému. Et je me dis que,