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DES CHOSES[1]


J’entre dans un grand carré d’ombre qui bouge. Là, un homme tape des clous sur une semelle, auprès d’une chandelle rouge et noire. Deux enfants étendent leurs mains, à plat, vers l’âtre. Un merle dort dans sa cage de roseaux. On entend l’eau bouillir dans le pot de terre fumé, d’où sort une odeur de soupe rance mêlée à celle du tan et du cuir. Un chien assis regarde fixement la braise.

Ces âmes et ces choses obscures ont une douceur telle que je ne me demande pas si elles ont une autre raison d’être que cette douceur même, ni si je prête un charme à leur humilité.

Là, veille le Dieu des pauvres, le Dieu simple auquel je crois ; Celui qui d’un grain fait naître un épi ; Celui qui sépare l’eau de la terre, la terre de l’air, l’air du feu, le feu de la nuit ; Celui qui

  1. Quelques exemples sont ici de pure invention. Je les ai imaginés afin que l’on pût mieux pénétrer dans le cœur de ces choses. F. J.