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qui pose aux fruits blancs et gonflés qu’elle lui tend ses lèvres d’anémone humide.

M. d’Astin les contemple longtemps, puis :

— Ce soir, qu’il fait beau, mon amie ! Cette mort de l’après-midi est douce et recueillie. Puisse mon existence se terminer ainsi, et puissent les nuages du Trépas ne voiler un instant mes yeux que pour me découvrir ensuite le limpide azur des Contrées divines… Ne vous attristez pas, mon enfant, de ces paroles : Vous me donnez encore de la joie… Mais je ne voudrais pas recommencer la vie.

… Voici le dernier Automne, sans doute, où je me souvienne de moi. Je m’éteindrai, un soir, comme ce soleil qui dore les bois poétiques de ces coteaux. Sur leurs bruyères, adolescent, je rencontrai l’amour de bergères comme vous trouvâtes celui d’un pâtre. Il n’y a de différence qu’aux yeux du monde entre votre jeunesse et la mienne passée. Toutes choses sont égales. Ces coteaux bondissent comme l’Océan, et ils gardent aux creux de leurs vallons, comme la mer au fond de ses vagues, les reliques de bien des tempêtes…

Voyez là-bas, près de ce blanc clocher, reposent en paix Clara d’Ellébeuse, qui vous fut amie, et Laura Lopez, dont je vous parlai au lendemain de votre aveu. Toutes deux moururent d’amour,