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LE ROMAN DU LIÈVRE

Lièvre alla se gîter dans une marnière voûtée de mûriers où il demeura jusqu’au soir, assis, les yeux ouverts. Il s’y tenait comme un roi, sous l’ogive des branches qu’une ondée avait ornée de ses graines de soleil bleu. Il s’y assoupit. Mais son rêve inquiet n’était point celui que donne le calme sommeil du torpide après-midi. Il ne connaissait point le repos sans alerte du lézard dont la vie palpite à peine dans le songe des vieux murs, ni la sieste confiante du blaireau dans son terrier qu’emplit une obscure fraîcheur.

Le moindre bruit lui redisait le danger de tout ce qui bouge, tombe, frappe ; l’insolite mouvement d’une ombre, l’approche de l’ennemi. Il savait que, dans le gîte, il n’est de bonheur que si tout est semblable à ce qui s’y trouvait à l’instant. De là, naissait pour lui l’amour de l’ordre qu’entretenait son immobilité.

Pourquoi, dans le calme azuré des jours pesants, la feuille de l’églantier remuerait-elle ? Pourquoi, lorsque l’ombre du taillis est si lente qu’elle semble arrêter les heures, viendrait-elle à s’agiter ?