Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’un fruit rouge qui se fondrait à tous ses membres. Elle emplit du souvenir de ses étreintes le parc si funèbre jadis. La clameur des paons n’attriste plus les ombrages, mais éclate au soleil, aveuglante et joyeuse. L’humeur inquiète de son oncle, aussi bien que les nouvelles reçues d’Éléonore, laissent Almaïde indifférente, presque narquoise. Et ce sont maintenant des heures d’envie et d’attente qu’indique sur le cadran solaire l’ombre aiguë des beaux soleils mûrs.

Tous deux gravissent les sentiers pierreux et gagnent les bergeries désertes. Les hêtres ne perdent pas encore leurs feuilles qui sont rouges comme des copeaux de cuivre recroquevillés par le feu. La mollesse de ce silence bleu, toujours nocturne : les sapins, caresse les battements de leurs cils et ils s’amusent du vol des perdrix blanches qui éveille et fait trembler le vide.

Personne au village ne s’étonne de les voir s’en aller, presque chaque jour, ensemble. On sait qu’Almaïde a du goût pour ces promenades dont elle rapporte des rameaux fleuris. Et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle prenne un guide : il est dangereux d’errer seul dans la montagne.

Ô cascades que semble immobiliser votre chute rapide ! Cieux de pourpre dorée ! Oiseaux de proie qui plongez dans les gouffres où dort le bruit !