Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Dès ce jour, ils se retrouvent et s’aiment. Les tièdes regains de la fin d’août abritent leurs caresses que nul ne soupçonne et que rien ne trouble. Ils s’enlacent, bercés par le rire des eaux courantes et par le bruit régulier que font en broutant les chèvres noueuses. Parfois ils recherchent les bruyères. Quelle joie, dans les bras l’un de l’autre, de s’enfouir parmi ces grappes de braises ! Quel anéantissement voluptueux ils goûtent lorsque, les fournaises de l’après-midi ayant fendu l’ocre des sentiers, les larmes espacées d’un orage viennent à crépiter soudain sur les feuillages ! Oh ! les lents retours à travers les vignes hautes, lorsque la grive pépieuse appelle en vain les raisins disparus ; et les arrêts sous le figuier lorsque, succombant à tant d’ivresse dorée, Almaïde ne peut que battre des cils en gémissant…

Bientôt vient l’automne, et c’est dans la montagne qu’ils vont cacher leurs amours.

La passion d’Almaïde s’accroît à mesure qu’elle devient moins ignorante entre les bras du petit faune. Elle se donne sans réserve, sans crainte, sans regrets, sans remords. Elle trouve à la brûlure fraîchissante des baisers la saveur poivrée