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Sous la nef, la lumière s’épand en larges raies que les vitraux colorent, et la traîne de la mariée déployée sur la fraîcheur des dalles se revêt ainsi d’arc-en-ciel. La chapelle est semblable à un gâteau de miel en rumeur quand tournoie sur lui le peuple actif des abeilles. Un parfum de forêt, d’encens et d’angélique, charme ce saint asile. Le gémissement d’un petit harmonium se propage, s’élargit sous la voûte, émeut les âmes recueillies.

Almaïde d’Etremont, à genoux, la figure dans les mains, a l’air de prier : mais elle ne cherche d’abord dans cette attitude qu’un moyen de s’isoler, de laisser entrer dans son cœur un peu de cet apaisement qui naît du silence que l’on fait en soi. Elle est charmante ainsi : on dirait que, distendu par l’agenouillement, le corps va rompre son écorce et se détacher comme un fruit mûr, lourdement, des palmes de la chevelure.

Bientôt Almaïde relève la tête et voit, en transparence sur un vitrail, Jean-Baptiste enfant vêtu de peaux de bêtes et debout auprès d’un ruisseau. Elle songe alors à Petit-Guilhem qui est pâtre aussi, et qui franchit le gué des rivières :

… Qu’elle était donc bénie, cette époque où maîtres et valets ne faisaient qu’une famille… ! C’était l’âge d’or, pense-t-elle. Ruth glanait auprès de Booz qui l’épousait. Les pavots saignaient