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d’autres fleurs. Des lilas blancs mêlés à des corolles d’oranger couronnent ses bandeaux lisses et noirs d’où tombe un voile si léger qu’il s’azure comme l’aile d’un moustique. Elle tient les cils baissés, des cils qui battent comme des papillons noirs, posés à l’iris couleur de gentiane obscure. L’ovale du visage est allongé, presque trop ; et le nez si mince qu’il inquiète un peu, tant le souffle vital qui l’anime est léger, tant la courbe en est accentuée au-dessus des lèvres pincées et pâles. Comme d’un muguet le haut des épaules jaillit d’une collerette en dentelle. Et, hors de la large sous-manche enrubannée, la main, d’une petitesse étrange, se pose un peu crispée sur le bras paternel.

Almaïde d’Etremont embrasse Éléonore, puis, après avoir répondu au salut de M. de Landelaye, le futur époux, elle prend le bras de M. de Soulère, qui la doit accompagner. Ce choix de cavalier ne lui plaît qu’à moitié. Il est veuf et jouit de la réputation de parler beaucoup de lui-même à propos de choses peu intéressantes… Il aurait mieux figuré dans les Caractères de la Bruyère, se dit Almaïde, qu’ici… Je le laisserai dire.

Tous s’en vont à pied vers l’église entre les haies rouges de ronces. La canicule pèse. Tout se tait. Seule, un instant, dans un fossé herbeux et humide, une grenouille coasse.