tagnards. Ah ! Que n’est-elle une bergère ? Que n’habite-t-elle au pied du ravin où frémissent les hépatiques bleues, dans la chaumière de ces pâtres ? Elle emplirait à la source verte la cruche qui, l’été, grésille. Elle cultiverait dans le jardin villageois les lys, les romarins et les ciboules. L’appel funèbre des paons ne l’éveillerait plus, mais le cri ensoleillé du coq. À la saison, elle irait dans la montagne, chaque jour, portant le repas de son jeune frère. Tous deux ils mordraient aux arbouses. Ils entendraient rire les fontaines. Ils baiseraient les lèvres des rhododendrons. Ils boiraient l’eau bénie des rocs. Ils guideraient, de leurs gaules vertes, la neige des agneaux vers les pâturages fleuris. Ils écouteraient les cloches rauques du troupeau sonner dans l’élévation…
Au lieu de cela, il va falloir rentrer comme de coutume, subir le monotone écœurement de cette vie sans espérance. Pauvre Almaïde ! Entre deux tristes serviteurs et ce parent exigeant et maniaque, elle est la prisonnière d’un domaine maudit. Comme sœur Anne au sommet de la tour, elle n’aperçoit que la poussière soulevée sur la route par les brebis résignées. Plus rien ! Pas même, tant elle est triste, l’envie de fixer sur le papier, comme jadis elle le faisait au couvent, les expressions de sa mélancolie.