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disait en le donnant à sa nièce Zulnie :
« Prends-le ; ce garçon-là n’est qu’une poésie :
« il te donne, ma fille, un casier blanc d’amour ? »

Pourtant, ô mon amie, j’ai dans mon âme pâle,
je ne sais quoi de vierge et de libre et de pur.
Il y avait dans les bois de mon hameau natal
des sources de gravier qui étaient des trous d’azur.
Lentes, elles coulaient dans la paix des pelouses,
et les petits bergers s’agenouillaient près d’elles
et posaient, au-dessus, des moulins dont les ailes
étaient quatre petits morceaux de bois croisés.
Souvent j’ai resongé à ces heures divines,
souvent j’ai resongé à ces moulins légers,
souvent j’ai resongé à ces petits bergers.
Si tu veux nous irons là-bas près de la digue,
sous la paix noire et bleue des coudriers dormeurs,
parmi les iris d’eau et les martins-pêcheurs.
Puis nous retrouverons les sources d’air limpide
et, en penchant ton front vers elles, tu verras
l’enfant que j’ai été et qui te tend les bras.