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Des souvenirs chéris plus doux que des mélisses
habitent dans mon cœur joyeux et pourtant triste,
pareil à un jardin rempli de jeunes filles.

Car j’aime comparer à de très jeunes filles
mes pensées qui ont la courbe de leurs jambes craintives
et l’effarouchement moqueur d’éclats de rire.

Seules les jeunes filles ne m’ennuyèrent jamais :
Vous savez qu’elles vont, d’on ne sait quoi, causer
le long des tremblements de pluie des églantiers.

Et moi, je ne sais pas ce que mes pensées pensent.
J’aurais dû naître un jour calme des grandes vacances,
lorsque les framboisiers ont des cousines blanches.

Je ne sais pas pourquoi j’ai traversé la vie,
ni pourquoi, aujourd’hui, après ces grands ennuis,
je resonge à des soirs d’amour cachés de pluie.