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Dans les ormeaux épais chanteront les mésanges
sur l’attendrissement naïf des cœurs en fête.
Je serai un humble artisan, et pas poète.
Je creuserai le bois rose et parfumé du hêtre,
et ma femme coudra, bien douce à la fenêtre,
dans le retombement d’azur des liserons
où les guêpes, en feu volant, bourdonneront.
J’ai assez de la vie compliquée et savante.
Ma vie, ô Dieu, pour vous se fera desservante,
et mes jours passeront de mon rabot joyeux
aux cloches du Dimanche fleuries dans les cieux.
Je dirai aux enfants : donnez de l’eau au merle,
puis nous le lâcherons quand il saura voler,
afin qu’il vive heureux parmi les vertes perles
que l’ondée, en riant, pose aux bleus coudriers.
Je dirai aux enfants : c’est la nouvelle année ;
ce soir, il faut écrire aux grand’mères tremblantes
qui courberont leur front dur, luisant et ridé,
en lisant ces beaux mots de leurs petits-enfants.
Ma vie sera sans bruit, ma mort sera sans gloire.
Mon cercueil sera simple, avec des villageois
et les enfants en blanc de l’école primaire.
Mon nom seul, ô mon Dieu, sur la modeste pierre,