Quelques humbles labiées donnent une odeur sainte
à celui qui médite assis près des ricins.
Mon Dieu, j’aurais, jadis, ici, rêvé d’amour,
mais l’amour ne bat plus dans mon sang inutile,
et c’est en vain qu’un banc de bois noir démoli
demeure là parmi les feuillages des lys.
Je n’y mènerai pas d’amie tendre et heureuse
pour reposer mon front sur son épaule creuse.
Il ne me reste plus, mon Dieu, que la douleur
et la persuasion que je ne suis rien
que l’écho inconscient de mon âme légère
comme une effeuillaison de grappe de bruyère.
J’ai lu et j’ai souri. J’ai écrit, j’ai souri.
J’ai pensé, j’ai souri, pleuré et j’ai aussi
souri, sachant le monde impossible au bonheur,
et j’ai pleuré parfois quand j’ai voulu sourire.
Mon Dieu, calmez mon cœur, calmez mon pauvre cœur,
et faites qu’en ce jour d’été où la torpeur
s’étend comme de l’eau sur les choses égales
j’aie le courage encore, comme cette cigale
dont éclate le cri dans le sommeil du pin,
de vous louer, mon Dieu, modestement et bien.
Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/198
Cette page a été validée par deux contributeurs.