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Dieu est vieux, mais il se porte bien et conduit
sur les pelouses vertes des noires cimes alpestres
où les lapins battent du tambour pendant la nuit,
la brebis huileuse et la maigre chevrette.
Souvent, je l’ai suivi, le long des ravins gris,
appelé par ma sœur qui est sa flûte de buis.
Et, voltigeant sur le troupeau, de corme en corme,
je descendais parfois sur les croupes de laine
pour y piquer le grain qu’y déposait l’automne.

LE POÈTE

Oh ! Mais ! Tu es étonnant ! Tu parles comme un homme…
Tu es aussi charmant que ces oiseaux ravis
dont les grands saints parlaient dans des livres d’images
où l’on voit le Bon Dieu à travers les nuages.
Tu n’as pas de maison, je veux dire de nid ?
Dis-moi, petit oiseau, où couches-tu, la nuit ?
Il n’y a par ici que des plantes pierreuses :
des chardons bleus qui sont piquants comme des houx,
des houx qui sont piquants comme des chardons bleus.
Quant à la lune, pour y coucher, c’est trop haut ?