Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je me disais : Mon Dieu !… Pourquoi tant de bonheur ? Mon Dieu… que vous êtes bon !

… Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous accablé ?…

… Et quand Jacquot est né, elle m’a dit : « Je souhaite qu’il ait comme toi une âme saine… ô mon ami ! regarde : il a sur les cheveux un peu de l’or de ton caractère, de cet or que tu as fait croître dans tes champs bien tenus… »

Et lorsqu’il y avait de belles récoltes, je m’amusais de voir comment une vendange devenait le caprice de son beau cou, de ses doigts ou de son poignet. Et je me disais : Il est bon que je la gâte parce que je suis un peu devant elle comme l’enfant qui, en présence d’une chose trop précieuse mise à sa disposition, ose à peine s’avancer pour la toucher et se sent plein de larmes.

… Ô mon Dieu ! Pourquoi ai-je été frappé ? N’est-ce pas un mauvais songe ? Quelquefois le rêve a une telle apparence de réalité, il semble qu’il dure si longtemps que, lorsque l’on se réveille, on ne peut croire à son bonheur… Ô mon Dieu ! réveillez-moi… Mais