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férent, et pas même l’impression douloureuse que la vue de mon écriture pourrait te causer, surtout au lendemain d’une opération. Ne pense pas, ma pauvre Françoise, que tu aies pu demeurer loin de moi et de nos enfants, sans que mon cœur cherchât à savoir ce qu’était devenue ma brebis égarée. C’est le seul droit que je me sois donné en tant que mari abandonné, non point pour te contrarier dans tes desseins ou me venger, mais parce que ma pitié pour toi est plus forte que mon amertume. Il m’a été facile d’agir discrètement, de connaître ton adresse et d’entretenir à ton insu pendant une année une correspondance avec le directeur de la Compagnie del Rio à Burgos, auquel m’avait recommandé le directeur de la même Compagnie, de Bordeaux. J’ai suivi ton dur calvaire, jour par jour. J’ai su ta misère, ta maladie, ton hospitalisation. Et quand je ne dors pas, la nuit, et que j’entends les petits souffles de Claudine et de Jacquot, je pense à la salle où tu as dû te trouver, où tu dois te trouver encore en contact avec des misères moins grandes que les tiennes. Ah ! Que j’eusse