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vous l’avez promis à Paul qui n’y sera pas. Il ira à Belle-Plaine avec les enfants, je pense, prendre des nouvelles de Gervier qui est plus mal. À vous. — Françoise. »

PIERRE, pense.

Les fleurs de la tasse sont là. Elles me disent que je ne rêve pas. Il y a aussi le couteau et le pain. Il ne faut pas que je garde cette lettre. Ma mère, qui s’est toujours saignée pour moi, nettoie mon chapeau de paille. Qu’il est touchant, cet amour de la mère veuve pour le fils qui n’est pas marié. Qu’elle est touchante, cette économie d’une humble femme généreuse ! Mais il ne s’agit pas d’elle en ce moment. Cette lettre. Cette lettre est là. Elle est comme un malheur qui m’arrive, comme une attente redoutée, une chose insolite qui me vient à cette même table où je déjeunais enfant dans cette même tasse à fleurs. Et comme un jour j’avais mal au pouce enveloppé d’un chiffon, papa qui m’avait assis sur ses genoux la joue contre la joue, papa me faisait manger.