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regret de ne pouvoir ployer le genou, et je vous offre ces œillets de la plaine en souvenir de mon père trépassé qui les foulait en poursuivant les perdrix. Seigneur, je ne puis chasser comme il chassa, mais je peux vous aimer. Vous me comblez de la bonté des miens, de ma mère, de bonne-maman, de tante Virginia et de l’oncle Tom… Faites, Seigneur, que je n’aie nulle impatience, nul murmure lorsqu’il m’arrive de faire un faux pas. Vous avez trébuché sous la croix que vous avez portée ; vous avez gravi le Calvaire, tandis que je vais sur les gazons. Seigneur, délivrez-moi de la révolte ; ôtez-moi l’amertume un peu jalouse que je ressens parfois à considérer la démarche si aisée de Luce, de ma chère Luce si parfaite, si dévouée à vous, Seigneur !

… Car Luce d’Atchuria est une amie du même âge que Pomme, une amie très gracieuse, très parfaite, très pieuse en effet. Toutes deux, trois fois par semaine, prennent les mêmes leçons de la même institutrice qui se rend tour à tour au château d’Anis et au château d’Atchuria. Luce est brune et ronde. Elle