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LA SALLE À MANGER

j’ai jonchée de mes récoltes botaniques ; c’est votre air que j’ai embaumé de ces cueilles champêtres ; c’est vous qui fûtes ornée un jour de ces bouquets de rares fleurs dont une femme fit hommage à votre modestie. Vous sûtes rester vous-même : ni trop flattée ni dédaigneuse. Et, lorsque ces corolles recherchées furent sur votre table, vous les enchantâtes si bien de votre simplicité qu’elles parurent aussi belles que le sont leurs sœurs rurales.


C’est vous, salle à manger, qui, non loin de la route, attendez mon retour des bois, à l’heure où mon chien se confond avec la nuit, et où les bouffées de ma pipe se mêlent au brouillard dont ma barbe est trempée ; c’est vous qui guettez, comme une bonne servante, le pas de mon soulier ferré. Je reconnais votre cœur brûlant, ô ménagère sans reproche : la lampe qui se consume ainsi que ma rêverie ! En pensant à vous mon âme s’exalte et j’ai envie de crier hosanna, et de me prosterner à vos genoux, sur le seuil, ô gardienne des choses que la Providence m’a données, ô