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RÉFLEXION SUR LA MATIÈRE

l’esprit. C’est, en viticulture, le forcement du plant par une reconstitution artificielle du sol et, plus tard, l’introduction dans le vin, de remplaçants dont l’ensemble forme le truquage ; c’est, dans l’élevage, l’épuisement de la race par celui de l’étalon, phénomène analogue à celui de la débauche ; c’est, dans la tannerie, le remplacement de l’écorce du chêne par la drogue ; c’est, en sériciculture, l’apparition de la soie en papier ; c’est, dans la beurrerie, l’innombrable margarine ; et, en joaillerie la galvanoplastie qui usurpe sur la profondeur de l’or, et l’écaille d’ablette qui trompe sur l’orient de la lente sécrétion de la perle.

La matière est telle qu’elle ne correspond qu’à un nombre déterminé d’usages. D’où : chaque chose qui n’est pas au point est défectueuse, que ce soit par l’un ou l’autre de ces moyens dont j’ai fourni des exemples : le forcement (vigne) ; l’illusion (galvanoplastie) ; l’inversion (la perle fausse).

Qu’il me fût permis de faire un voyage dans la lune, comme l’un des héros de Jules Verne ou de Wells, et qu’elle fût habitée… et que mon temps, limité, ne me permît qu’une