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FEUILLES DANS LE VENT

falsifiée ; à ces toiles que corrodent d’étranges maladies que la science provoque chez les minéraux et végétaux, maladies qu’elle nomme : couleurs.

Il semble qu’avec de tels produits, indignes du nom de matières, les monuments religieux cèdent à l’avance aux mains sacrilèges qui en forcent les portes ; que le verset biblique soit plus vite oublié et déchiré ; que le contrat soit plus vite violé ; que le paysage représenté soit plus vite décimé, comme le site que l’on déboise pour en distiller les essences. Et il apparaît, devant l’horloge de bois fragile, que l’homme n’a plus souci du temps qui mesure pourtant sa destinée.

Il existe une malhonnêteté, celle qui usurpe sur la matière et qui est la surproduction forcée, le dol vis à-vis des choses créées, une sorte d’abatage de la poule aux œufs d’or, la main-mise cupide de l’homme sur ce que la nature ne lui a pas encore livré, une captation prématurée d’éléments encore en réfection, le triomphe du nombre sur la valeur : c’est-à-dire une certaine faillite provoquée frauduleusement et exploitée aux dépens de