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FEUILLES DANS LE VENT

les vieux canons-amarres, les grues, pontons, vaisseaux et kiosques. Voici quelque place de la marine, d’énormes lions de pierre qui, dans les ténèbres, sont devenus des sphinx. Et la lune au-dessus du toit de la douane file et regarde la petite tête de cuivre qui sert d’enseigne à ce bouge à matelots et la pipe de tôle du bureau de tabac.

Charles Lacoste entre dans ce bureau de tabac. Il bourre et allume sa pipe. Comment fînira-t-il cette fête de feu, ce nocturne puissant et doux ? Ah ! voici que ce dernier tramway l’amène sur une petite place où on célèbre je ne sais quelle kermesse populaire. Il y a là un petit pavillon où l’on fait de la musique, enguirlandé, couronné de lanternes vénitiennes soufre, vert-de-gris, citrouille et groseille. C’est naïf comme une fête à Tombouctou. Charles Lacoste peint, avec une sympathie tranquille, ces dernières illuminations qui se sont mises à la portée de ce peuple de débardeurs dont les corps ne sont plus que des silhouettes projetées sur le mur de l’entrepôt par une flamme de Bengale. C’est là que s’arrête le quai Charles-Lacoste, ce chef-