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MÉDITATIONS

lourd de cerises noires, il y a le coteau ; au delà du coteau il y a la pelouse ; au delà de la pelouse, il y a les sommets ; au delà des sommets il y a le ciel ; au delà…

La terre est désormais frappée de déchéance aux yeux de cet enfant qui laissent couler des larmes lorsque son père le prenant sur ses genoux lui demande :

Qu’est-ce qui te fait de la peine ?

Je souffre aussi, mon Dieu, d’avoir entrevu la beauté d’En Haut dans celle que j’ai connue sur la Terre et de ne pas l’atteindre. Mais je continue de puiser obscurément le sens de cette beauté, comme l’humble graine qui, où qu’elle soit, recherche et distingue dans le sol ce qui sera son auréole et son parfum dans le ciel printanier. Je fais converger vers le centre de mon âme, à travers le monde entier, les visions nécessaires à ma vie éternelle. J’opère ce miracle par l’espérance et le désir que vous avez mis en moi. Ainsi, le romarin attire jusqu’à ses racines l’odeur de la mer, si épais que soit le