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FEUILLES DANS LE VENT

le chant d’un rossignol qui ne pouvait point ne pas lui répondre, la jeune Nuit et moi nous souriions.

— Soyez respectueux, nous dit la lune. Ah ! comme vous manquez à tout ce qui ne se rapproche pas de votre génération ! Seul, le passé n’insulte pas au présent. Ne vous moquez point de mes compagnons d’autrefois, puisqu’ils ne se gaussent pas de… ceux-ci.

Ceux-ci !

Les fleurs musiciennes vacillèrent et leurs chansons et leurs instruments eurent des sanglots pour célébrer le premier de ces nouveaux venus.

Dans la solitude du nouveau monde il apparaissait taciturne, les cheveux semblables à des serpents entrelacés, les yeux noyés, son manteau déroulé dans le vent. Il était paré, à la mode des Incas, de plumes multicolores d’aras, de flamants et de hérons bleus. Il ne donnait point la main à la jeune Indienne qui l’accompagnait, mais chacun d’eux tenait en marchant l’extrémité d’un arc qui les séparait. C’était au printemps, sur les rives heureuses du Meschacebé, l’époque où chaque