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MÉDITATIONS

dules : car si là n’est pas vraiment le ciel, c’est vraiment là qu’il commence. N’est-ce pas, Vierge de Bigorre, que vous avez risqué vos pieds jusqu’au bord de ce rocher où même ne grimpe point la chèvre, mais seulement l’églantine ? Et c’est-il pas une sœur de ces innocents qui vous a vue aussi sûrement qu’ils voient cette herbe ? Lorsqu’un saint voit un être du Ciel, il le regarde faire des gestes auxquels il ne s’attendait pas, joindre les mains, aller, venir, se pencher comme une personne ordinaire : ce qu’un peintre ni un poète ne sauraient traduire ainsi, tant la vraie vie est inimitable. L’enfant et la nourrice ne voient ni la Vierge ni une autre Apparition, mais cependant l’ébauche de ce qui pourrait être le Paradis.

Ils prolongent, assis sur le banc, leur contemplation. Les jeunes filles jouent maintenant à la balle et le soleil se couche derrière la propriété, il se couche là, tout près, dans l’alcôve des nuages, tel qu’un être vivant qui a fait sa prière. Heureux cette nourrice et cet enfant qui connaissent l’élévation « dans la lumière et dans la vérité de Dieu » ! Leurs