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À EUGÉNIE DE GUÉRIN

Il est pourtant une attitude… une autre attitude de vous… une attitude moins connue et qui m’a été révélée sous un chêne de votre pays, dans un après-midi torride, par un vieillard qui, lorsqu’il était enfant, vous avait approchée déjà déclinante :

« Elle était, me disait-il, assise et misérablement troussée dans un châle sur la terrasse du Cayla ; nous, gamins, lui jouions des tours ; elle ne se retournait même pas ; elle attendait la mort ; on lui apportait, à intervalles réguliers, un bol de tisane ; elle buvait, puis reprenait sa méditation ; on se moquait d’elle dans le pays ; on l’appelait : la Savante ! »

Ô chère et grande disparue ! C’est ainsi que je voudrais vous fixer dans mon âme. Et si les défunts reprenaient leurs vies sur la terre, c’est à ce moment où s’évanouissait votre destinée que j’eusse prié l’admirable Eugène Carrière de se rendre auprès de vous. Et je lui aurais dit : « Prenez pour en imprégner vos pinceaux toute l’ombre que pourra supporter