Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
MÉDITATIONS

pour les abeilles ? C’est un baume mystérieux qui enduit nocturnement les rameaux, les pierres et les toits et jusqu’au fouet du cocher, et qui se dissipe au soleil d’onze heures. Ce n’est pas tellement avec les fleurs que les avettes composent le miel, mais avec la manne. On ne sait pas ce qu’est la manne. Mais qu’est-ce que c’est ? On ne sait pas. Quand la nourrice était petite gardeuse de vaches elle suçait la manne sur les pousses des jeunes chênes. La manne a nourri le peuple de Dieu quand ce peuple marchait vers la Terre-Promise. Et maintenant c’est l’enfant et la nourrice qui s’acheminent vers le ciel. Et quand ils ont gravi la côte ils voient que c’est vrai qu’il y a autre chose. La colline leur masquait cet air solide, cet azur terrestre qui est le long déroulement des Pyrénées. Et cette pelouse à leurs pieds ! Cette pelouse qu’ils n’avaient point prévue avec, au milieu, cette villa, ces arbres de bergerie, ces jeunes filles tranquilles ! L’enfant et la nourrice s’asseyent sur un banc qui domine cette pelouse contre la cabane. S’ils ne voient point Dieu encore, ceci n’est-ce pas le Paradis ? Et ce Dieu ne