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l’abandon des biens. Félix, n’ayez point honte de mes paroles. Votre cœur, se reconnût-il dans le mien, que les convenances de la vie vous rendraient impossible le fait même de me laisser m’asseoir à la table de votre villa. Rose, qui possède un maître si soigné, répugnerait à servir un être en haillons, encore que ce pauvre parle la langue des dieux. D’ailleurs, mon ami, je tiens à mon dénûment, et saint François d’Assise est le Saint que j’invoque le plus volontiers. Songez à la divine saveur de mon pain quotidien et dites-vous que rien ne sera plus suave que le Pater que je réciterai tout à l’heure à genoux au milieu de cette plaine confuse.

Monsieur Félix, sans mot dire, avait ouvert son porte-monnaie. Il me tendit vingt francs que j’acceptai, les larmes aux yeux et dans la voix.

— Hélas ! dis-je à cet homme de bien, que ne puis-je, en retour de votre charité, vous faire celle de mon indigence !

Mais déjà revenait Rose et j’étais reparti, Solitaire au milieu des champs, j’élevai mon âme vers Dieu. La terre était à cette