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J’étais donc désigné pour écrire la vie
d’un poète qu’on eût voulu toujours ravie…
— Mais pourquoi mentirais-je à ma poésie ?

Il doit mourir jeune, à l’âge bienheureux
qui faisait dire aux anciens que ceux
qui mouraient à cet âge étaient aimés des dieux.

Ne vous plaignez jamais d’une trop triste histoire.
L’histoire de la vie est celle la plus noire,
comme aussi la plus blanche et la plus méritoire.

J’ai voulu, ici, mêler le bonheur et le malheur.
Si le malheur l’emporte et si tu ressens la douleur
de ces êtres : travaille à devenir meilleur.

Que la pitié que tu as pour sa vieille mère
t’apprenne à vénérer les noires rides amères
que tu vois sous les yeux des tremblantes vieilles.

Que la pitié que tu as pour la fiancée du poète,
l’apprenne à respecter le cœur de celles
qui, tristement, n’attendent plus les fiancés.

Que la pitié que tu as pour l’ami du poète
l’apprenne à ne jamais tendre la main qu’avec
ta franchise de l’œil, du cœur et de la tête.