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Ô mon Dieu ! des vallées tu as pris les liserons
et ils chantent sous la forme de petites filles empesées
que l’on a frisées avec de l’eau sucrée
et dont les jolies bannières s’inclinent sous des rayons…
Elles portent avec beaucoup de soin
des gerbes artificielles et naïves où bougent
des reines marguerite, des bleuets, des coquelicots
sous la musique où s’engouffre l’encens des foins lointains…
mon Dieu, je suis ému. Je me souviens…
Je t’offrais toute la pureté de mon cœur.
Des enfants grands comme ça étaient vêtus de rouge
et c’est eux qui portaient des corbeilles de roses
et ton souffle passait dans les averses de couleur…
Ces enfants ils venaient, si petits que je me disais :
Est-ce qu’ils ne sont pas les roses qu’ils portent ?
Et l’azur qui s’ouvrait comme une immense porte
laissait tomber de l’âme sur ma tête fatiguée…
C’était plus pur que l’eau, plus pur que la lumière.
Les voix étaient comme l’écho d’un orage d’amour,
et mon cœur s’arrêtait, comme ébloui de jour,
devant l’innocence des pas des petites filles claires.
Dieu ! Puisque ces enfants te célébraient,
puisqu’elles portaient dans leurs mains de pureté
les grains de blé et le soleil, le jour et l’ombre,
je pousse vers toi un cri grand comme l’immensité…