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PREMIERE PARTIE

C’est une matinée de Fête-Dieu. Le poète va mourir. Les fenêtres de sa chambre donnent sur un jardin qui est triste et ensoleillé, où le vieux chien à demi paralytique repose, étendu.

Une guêpe y vole.

Dans la chambre : le poète est dans son lit. Il a le délire. Tantôt il parle haut, tantôt je suppose que l’on entend ce qu’il dit. Sa mère prie et, de temps en temps, se relève pour poser sa main fraîche sur le front brûlant du malade.

L’ami du poète et la fiancée du poète sont assis à une petite table. La fiancée compte des gouttes qu’elle laisse tomber dans un bol. L’ami lit distraitement un morceau de papier.

La chambre est simple. Trois globes sur la cheminée. Celui du milieu recouvre une petite vierge blanche, naïve et campagnarde ; je crois, en plâtre. Sous les deux autres il y a des fleurs et des épis artificiels enrubannés et ornés de papiers dorés et argentés.

Par la tranquillité de l’azur torride, un ineffable et triste écho de la procession gémit.

Des campanules gorgées d’azur, des joncs fleuris et froissés, des prèles qui forment une jonchée sur la route, des effluves d’une fraîcheur fanée s’élèvent.

De la fenêtre qui donne au midi, on pourrait voir une bannière d’or qui s’incline.

LA FIANCÉE

Bah !

L’AMI

Qu’est-ce qu’il y a ?


LA FIANCÉE

J’ai fait trembler la fiole…
Il en est tombé plus qu’il ne faut dans le bol.
C’est à recommencer. Passez-moi ce linge… Non… l’autre.
C’est ça.